Plaidoyer pour l’Histoire du pape François
La lettre « sur le renouvellement de l’étude de l’histoire de l’Eglise » publiée le 21 novembre dernier passe presque inaperçue. Pourtant, c’est un véritable plaidoyer qui s’adresse aux séminaristes, mais plus largement à tous les chrétiens. Le pape nous invite à cultiver « une véritable sensibilité historique ». Le regard de Guillaume Houdan, professeur d’histoire à l’Institut Normand de Sciences Religieuses à Rouen (l’INSR).
Déjà, en août 2024, le Pape François avait publié une lettre sur le rôle de la littérature dans la formation. Sa réflexion profonde sur l’importance de lire de la littérature, y compris et surtout non religieuse, avait intéressé bien au-delà du cercle des chrétiens, ceux qui s’attellent sérieusement à une intelligence de l’humain.
Cette fois-ci, il s’agit, dans la même veine, d’approfondir l’Histoire de l’Eglise et de « renouveler notre sensibilité historique » dans la formation.
Cela aide à situer l’Eglise « telle qu’elle est et non pas telle qu’on l’imagine ou qu’on voudrait qu’elle soit ». L’épaisseur de l’Histoire nous aide à mesurer que, certes, notre Eglise aujourd’hui a des soucis, mais elle en a toujours eu. Notre Eglise n’a jamais été parfaite. Notre pape nous appelle à l’aimer telle qu’elle est, non pas telle qu’on la rêve. Et l’étude de l’Histoire nous y aide.
Dans cette lettre, j’ai également été touché par le conseil donné par notre « vieux », c’est-à-dire sage, pape, en réaction aux idéologies du progrès et de la déconstruction :
« Si quelqu’un vous fait une proposition et vous dit d’ignorer l’Histoire, de ne pas reconnaître l’expérience des aînés, de mépriser le passé et de regarder seulement vers l’avenir qu’il vous propose, n’est-ce pas une manière facile de vous piéger avec sa proposition afin que vous fassiez seulement ce qu’il vous dit ? Cette personne vous veut vides, déracinés, méfiants de tout, pour que vous ne fassiez confiance qu’à ses promesses et que vous vous soumettiez à ses projets. C’est ainsi que fonctionnent les idéologies de toutes les couleurs qui détruisent (ou déconstruisent) tout ce qui est différent »
Travailler l’Histoire, c’est « constituer une barrière aux mystifications, aux révisionnisme intéressés »
Au-delà de l’éloge, le Pape François donne également quelques observations pour la formation à l’Histoire de l’Eglise qui doivent nous intéresser plus particulièrement : Eviter les approches purement chronologiques ou apologétiques ; ne pas déconnecter dans l’enseignement l’Histoire de l’Eglise de celle des sociétés ; conduire aux sources elles-mêmes, aux textes fondamentaux ; lier les travaux d’ecclésiologie à l’Histoire ; là travailler « non seulement avec rigueur et précision, mais aussi avec passion et implication »…
Comme diacre, j’ai été particulièrement attentif à l’une de ces propositions faite aux historiens : Ne pas oublier « les traces de ceux qui n’ont pas pu faire entendre leur voix au cours des siècles, ce qui rend difficile une reconstruction historique fidèle […] N’est-ce pas un champ de recherche privilégié, pour l’historien de l’Eglise, que de mettre en lumière autant que possible le visage populaire des derniers, et de reconstruire l’histoire de leurs défaites et des oppressions qu’ils ont subies, mais aussi de leurs richesses humaines et spirituelles, offrant des outils pour comprendre les phénomènes de marginalité et d’exclusion d’aujourd’hui ? »
Il nous invite ainsi à aller chercher la foi de nos prédécesseurs, y compris les plus humbles, parce qu’il est convaincu que si l’on est capable d’étudier la foi des plus humbles dans le passé, on comprendra aussi et on accueillera mieux encore aujourd’hui, dans notre Eglise, les plus humbles.
J’aime enfin, en conclusion, ce dernier rappel exigeant : « nous parlons d’étude, et non de bavardage, de lecture superficielle, de “copier-coller” de résumés sur Internet ». Comme on voudrait qu’il soit entendu…
A l’heure où le dernier synode demande « une révision de la Ratio Fundamentalis Institutionis Sacerdotalis » (c’est-à-dire de la formation des prêtres) ainsi qu’une nouvelle approche de la formation de tous les baptisés (paragraphes 143 à 148 du document final), les deux lettres du pape François sur le rôle de la Littérature et l’étude de l’Histoire redessinent une intelligence de la Foi indispensable à la mission pour l’Eglise de notre temps.
Guillaume Houdan
Lettre sur le renouvellement de l’étude de l’histoire de l’Église (21 novembre 2024) | François
Dans cet esprit, tous les cours à l’INSR sont importants pour grandir dans l’intelligence de la foi. En ce qui concerne l’histoire, deux cours commencent prochainement, à Caen et à Rouen.
cf https://insr-normandie.fr/event/deux-propositions-sur-lhistoire-de-leglise/